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[La reprise, c’est maintenant] Interview de Jacques-Antoine Evain, manager de transition

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Bonjour Jacques- Antoine, vous êtes manager de transition dans le réseau de Managers en Mission depuis juillet 2015, vous exercez principalement en qualité de Président ou Directeur général dans les secteurs de la grande consommation, l’agro-alimentaire, l’industrie chimique et la métallurgie. Actuellement, vous intervenez comme Senior Advisor (Conseiller principal) auprès d’un groupe danois implanté dans le secteur de l’énergie, groupe qui possède deux entités en France, vendant et installant des lignes de production destinées au remplissage de gaz butane et propane. Votre mission consiste à optimiser les relations sociales entre les IRP (instances représentatives du personnel) et le conseil autour d’un projet d’externalisation des lignes de production.

Comment êtes-vous arrivé chez Managers en Mission ?

📢 Jacques-Antoine Evain : En 2015, j’ai assisté à une réunion d’information sur le portage salarial. 15 jours plus tard, j’étais contacté par un groupe américain pour une mission de DG. Le groupe en question voulait me salarier au Royaume-Uni. J’ai alors expliqué à mes interlocuteurs le mode de fonctionnement du portage salarial et notamment les avantages que ce statut pouvait représenter pour eux (flexibilité, temps de préavis raccourci, accès à un vaste réseau de compétences) comme pour moi (couverture sociale en intermission, tâches administratives déléguées à la société de portage). En l’espace de 30 minutes, ils étaient convaincus.

En règle générale, quels sont les principaux défis auxquels vous devez faire face dans le cadre de votre activité de manager de transition ?

📢 J.-A. E. : Étant principalement amené à intervenir dans le cadre de restructurations et de « carve-out », voici les principaux enjeux auxquels je suis confronté : 

  • Réaligner avec le client les enjeux réels par rapport à ceux qui ont été communiqués en période d’échange pré-mission. Il existe toujours des écarts, parfois très importants.
  • Définir les résultats, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, qui permettront au client de mesurer l’avancée du projet, notamment à l’aide de « quick wins ».
  • Parvenir à garder le personnel motivé et mobilisé, même lorsque l’entreprise se trouve dans une situation critique.
  • Rassurer les clients, et le cas échéant, les autorités locales et les banques.
  • Maintenir le cap face aux courants contraires générés par les salariés, le CoDir (fatalisme et défaitisme) et l’actionnariat (indécision ou remise en question des plans déjà validés).

Comment envisagez-vous la reprise post-crise sanitaire dans votre secteur ?

📢 J.-A. E. : Il serait insensé, voire dangereux, d’ignorer les craintes que suscite cette période charnière. D’expérience, j’ai remarqué que le management de transition se portait bien quand les entreprises allaient bien. Il faut donc travailler dans ce sens. Toutefois, il faut aussi être conscient que la crise et ses incidences sur la trésorerie et le bilan peuvent éventuellement impacter la reprise, ou tout du moins les taux journaliers.

De plus, les actionnaires pourraient se montrer plus frileux et se tourner par réflexe vers les ressources internes, qui constituent historiquement notre concurrence principale. Cependant, nous savons que cette solution est peu opérante en matière de résultats, ce qui pourrait les amener dans un second temps à solliciter les ressources externes hautement qualifiées que sont les managers de transition.

Cette crise a également mis en exergue certains écueils et limites qu’il faudra apprendre à dépasser dans les mois à venir. Mais d’un certain point de vue, ce contexte singulier est paradoxalement porteur de nombreux espoirs. Pour réussir à réinventer le monde, il faudra toutefois s’assurer d’avoir les « chakras bien ouverts » en ne négligeant aucune piste. Notre métier, de par la diversité d’expériences qu’il propose et les qualités humaines qu’il exige, nous prédispose plus que toute autre profession à relever ce challenge.

De plus, notre flexibilité contractuelle pourra s’avérer rassurante pour les entreprises. Pour les convaincre, il s’agira néanmoins de mettre en valeur les avantages des contrats courts et renouvelables, en opposition au coût journalier.

Quels effets positifs cette crise aura-t-elle sur votre secteur ?

📢 J.-A. E. : C’est difficile à dire pour le moment, les entreprises étant encore coincées dans cet entre-deux un peu flou. Si la mise en place du chômage partiel et les PGE (Prêt Garanti par l’État) ont généré une sorte de bulle qui a permis d’amortir le choc, le comportement des consommateurs reste toujours difficile à prévoir, même si nombreux sont ceux qui semblent désormais aspirer à un rapide « retour à la normale ».

Dans cette période trouble, le manager de transition représente un réel atout. Focalisées sur leurs problématiques à très court terme, les entreprises ne mettent pas forcément le management de transition au rang de leurs priorités absolues, bien qu’elles pourraient grandement y gagner. C’est donc à nous de rappeler le rôle stratégique capital que nous pouvons jouer à leurs côtés.

Personnellement, je pense que nous aurons une vision bien plus claire de la situation à partir de septembre.

Selon vous, comment les managers de transition vont-ils contribuer à la reprise ?

📢 J.-A. E. : On peut tout d’abord se demander si les missions qui nous seront confiées vont concerner la transition ou s’il s’agira plutôt de missions de conseils. Je pense que nous devons nous attendre à faire face à ces deux types de demandes. Reste à savoir dans quelles proportions !

Plus que jamais, le manager de transition pourra contribuer à la reprise en mobilisant les compétences et les expertises qui font habituellement son succès auprès des entreprises, notamment sa capacité à :

  • Adopter un positionnement neutre et objectif, orienté vers l’intérêt de son client ;
  • Penser « out of the box », c’est-à-dire faire preuve de créativité et ne pas avoir peur de s’aventurer hors des sentiers battus ;
  • Changer de cap rapidement en fonction des actions préalablement mises en place dans un contexte où la visibilité est par définition nulle ou très restreinte ;
  • Communiquer et maintenir le dialogue avec les IRP durant les périodes d’incertitude.

Pour conclure, je dirais que le management de transition a toute sa place dans ce contexte encore inédit où les doutes se mêlent aux espoirs. À condition de trouver les bons arguments de réassurance, notamment avec les entreprises encore peu familières avec ce type d’intervention.

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